Aurianne Abécassis : “La confiance”

Manuel appartient à un groupe de militants politiques qui place la notion de confiance comme un a priori nécessaire à toute relation humaine. Leur stratégie : l’entrisme. En infiltrant l’entreprise Euronet, Manuel rencontre Caroline au cœur du système, avec sa hiérarchie, ses résistances, et la rumeur d'une délocalisation au Maroc.

Une fable d’anticipation au regard aigu et à l’écriture brillante pour explorer les fragilités, les dérives et les espaces de rêve encore possibles au sein de nos organisations humaines.

extrait :

3.7 Au siège de l'entreprise Euronet. Troisième étage. Bureau du Directeur général adjoint sans le Directeur général adjoint

La femme / L'homme / Caroline


Caroline – Ils ne sont pas dangereux.

La femme – Ils pourraient.

Caroline – Ils pourraient, mais ils ne le sont pas.

La femme – Pourquoi ?

Caroline – Je ne les imagine pas poser une bombe.

L’homme – Vous pourriez vous tromper.

Caroline – Je ne crois pas.

La femme – Nous pensons qu’ils appartiennent à un réseau international.

Caroline – Quel réseau ?

La femme – Quelque chose de plus gros, de beaucoup plus gros.

Caroline – Comme un complot ?

La femme – On ne qualifie pas ça de complot.

L’homme – Complot n’est pas le mot.

Caroline – Et vous attendez quoi de moi ?

La femme – Nous n’attendons rien.

L’homme – De toute façon on sait où ils sont. Ce n’est plus qu’une question d’heures avant que nous allions là-bas.

Ce que l’on voudrait savoir c’est

La femme – Est-ce qu’ils sont armés ?

Caroline – Armés ?

L’homme – Est-ce qu’ils ont l’air dangereux ?

Caroline – Vous pensez qu’ils sont peut-être armés, et vous m’avez laissée y aller seule.

La femme – Nous ne pensons pas qu’ils sont armés.

L’homme – Nous vous demandons si vous, vous pensez qu’ils sont armés.

Caroline – J’en sais rien, moi, s’ils sont armés.

La femme – C’est une simple question.

Caroline – Est-ce qu’ils sont armés, non, pas une simple question –

L’homme – Calmez-vous.

Caroline – Pas pour moi. Vous m’avez laissée y aller seule, simplement pour voir s’ils sont armés.

Vous m’avez lâchée dans la nature –

L’homme – On ne vous a pas lâchée dans la nature.

Caroline – Simplement pour que vous puissiez y aller tranquille une fois que j’ai pris les risques pour vous juste pour savoir si vous pouvez y aller tranquille.

La femme – On se calme. Nous ne pensons pas qu’ils puissent être armés.

Nous vous remercions de votre coopération –

L’homme – Nous vous remercions sincèrement.

La femme – Merci Caroline.

Un temps.

Caroline – Et c'est tout ? Ça s'arrête là ?

La femme – Pardon ?

Caroline – Pourquoi dites-vous qu'ils sont dangereux ?

La femme – Nous avons des raisons de croire qu'ils pourraient être dangereux.

Caroline – Est-ce que vous savez ce qu'ils font ?

Un temps.

Caroline – Vous avez une idée de ce qu'ils font ?

La femme – Nous savons des choses – nous ne pouvons pas vous en parler.

Caroline – Moi je sais ce qu’ils font.

L'homme – Je croyais que vous ne saviez rien ?

Caroline – Et ça n'a rien de dangereux.

L'homme – Vous avez dit que vous ne saviez rien.

Caroline – Je sais pour la confiance.

La femme – Qu'est-ce que vous savez ?

Caroline – Je sais que c’est une manière de vivre.

L'homme prend des notes.

La femme – Pouvez-vous être plus précise ?

Caroline – Ça ne me semble pas dangereux.

La femme – C'est beaucoup plus compliqué que ça.

Caroline – En quoi est-ce que c'est dangereux de faire confiance ?

La femme – Ce n'est pas la confiance en tant que telle qui est dangereuse.

L'homme – C'est le hors-champs.

La femme – Vous savez où ils sont ?

Caroline – Non – je croyais que vous saviez où ils étaient.

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