Une équipe de communicants effectue auprès des salariés d'une entreprise une série d'entretiens pour choisir le bleu d'une affiche électorale ; mais certains salariés soupçonnent dans cette enquête une forme d’inquisition détournée en prévision d'un plan social…
Une fable brillante,d'une grande finesse de points de vue, pour dénoncer le caractère normatif et pervers des techniques de communication. Une écriture économe et ciselée.
extrait :
Scène 1
- Le regard
Georges - Je trouve que son regard est faux.
Sonia - Qu'est-ce qui vous fait dire ça?
Georges - Il n'a pas l'air franc. Il a le regard qui dit Votez pour moi, je serai plus riche.
Sonia - Qu'est-ce qui vous fait dire ça?
Georges - Le sourire. Narquois.
Sonia - Je croyais que c'était le regard ?
Georges - C'est un tout. Le regard, le sourire.
Sonia - Oui –
Georges - Une sale combinaison. Les deux comme ça, une sale combinaison, c'est tout.
Sonia - Qu'attendez-vous d'un homme politique, Georges – je peux vous appeler Georges?
Georges - Qu'il soit honnête – on ne devait pas parler politique.
Sonia - Nous ne parlons pas politique. Nous parlons regard. Et sourire.
Selon vous, il n'a pas l'air honnête – je parle toujours du regard. Vous diriez qu'il a l'air de quoi?
Georges - Il a l'air faux.
Sonia - Oui, c'est ce que vous avez dit déjà. Autre chose?
Georges - Il a l'air faux et malhonnête.
Sonia - Malhonnête? Pourquoi, malhonnête?
Georges - Son regard est perçant. Trop perçant. Trop insistant.
Sonia - C'est malhonnête, ça?
Georges - C'est le regard d'un homme qui est très loin. Déconnecté.
Sonia - Alors ce n'est pas malhonnête?
Georges - Il ne comprend pas les gens. C'est évident, à son regard, qu'il ne comprend pas la réalité de la vie, qu'il a l'air coupé de la vie.
Sonia - Il a l'air tout ça?
Georges - Il a l'air comme les autres. Déconnecté complètement.